Si je me tais

Si je me tais, c’est à cause du Temps qui passe et qui ramasse toutes les minutes, sans qu’aucune d’elles ne puissent échapper à sa bouche monstrueuse et implacable.

Si je me tais c’est parce que j’aspire à ralentir le Temps, à l’affût derrière les secondes qui s’égrènent à la vitesse de l’éclair, et ne m’offrent qu’un piètre et illusoire refuge.

Si je me tais c’est parce que me voilà essoufflée et exsangue face au Temps toujours victorieux, comme le sera la Mort, un jour…

Si je me tais, c’est parce que cette course est vaine et illusoire, et que je le sais. J’entends l’écho du Temps délivrer sa litanie : Allez ! Circulez ! Y’a rien à voir !

Si je me tais c’est à cause des gardes-chiourmes qui murmurent aux oreilles des retardataires, ceux qui aimeraient se faire la belle, déserter, tricher :

« Vous pouvez toujours trouver un moyen de tout stopper, mais alors, vous mourrez ! »

Alors je cesse de courir et redeviens juste cette femme qui espère que si elle fixe suffisamment longtemps le soleil, il pénétrera en elle et brûlera toutes les scories de ses douleurs, les regrets, les lourdeurs, les déceptions, les rendez-vous ratés, les amis partis trop tôt, ceux partis trop tard, les chaises qui resteront vides à jamais…

Hélas, l’horloge tourne, je dois vous laisser, pour moi il est l’heure de continuer à avancer, profiter de mes heures, rire et espérer !